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20/05/2005

J’ai rêvé d’un monde sans DRM

Pour le tandem iPod-iTunes Music Store, qui a fait le succès d’Apple dans la musique en ligne, le vent risque de tourner très bientôt estiment nombre d’analystes aujourd’hui, qui prévoient que le fabricant d’ordinateurs Macintosh va commencer à perdre des parts de marché au profit de services sur abonnement comme Napster, Rhapsody et surtout Yahoo Music. C’est du moins l’opinion qu’exprime le cabinet d’études Strategy Analytics dans une nouvelle étude intitulée : “Online Music : Will Napster Be the Next iTunes as Subscriptions Replace Downloads?” (Est-ce que Napster sera le prochain iTunes ?). Se poser la question ne mange pas de pain, et y répondre par l’affirmative ne relève plus aujourd’hui d’un grand courage intellectuel. Il faut dire que Yahoo vient d’ébranler tout ce beau monde, avec l’offre la plus aboutie qui soit dans ce domaine, à un prix défiant toute concurrence. Dès lors, les analystes sentent que le vent tourne. Et tels des girouettes, ils tournent aussi.

“Le modèle de vente par téléchargement popularisé par Apple est coûteux et inefficace”, nous explique doctement un des auteurs de l’étude, l’analyste Martin Olausson. “Plus le marché de la musique en ligne arrive à maturation, plus les consommateurs vont accorder de la valeur au fait d’avoir accès à un grand choix de musique plutôt que [de se contenter] d’acheter un petit nombre de titres”, explique-t-il. Personnellement, ce jus de crâne me paraît un peu daté. Peut-être parce que j’ai déjà exprimé ce genre de point de vue il y a quelques mois dans ces colones et dans de nombreux articles, après avoir eu l’opportunité de tester Napster et Rhapsody. Sauf qu’à l’époque, dans les milieux autorisés, la tendance était encore à encenser Apple, le iPod et iTunes Music Store.

Tir à vue sur Apple

Bizarrement, aujourd’hui, j’aurais plutôt tendance à mettre un peu d’eau dans mon vin. Certes, si Yahoo Music était disponible en Europe, je compterais probablement parmi ses premiers abonnés. A 5 € par mois (le prix d’un paquet de cigarettes, quand je songe à arrêter de fumer), il n’y a vraiment pas de quoi s’en priver. Mais l’expérience m’a appris à ne pas extrapoler trop rapidement mon comportement de technophile avancé déjà propulsé dans “L’âge de l’accès” (cf. l’ouvrage édifiant de l’économiste américain Jeremy Rifkins paru en poche sous ce titre). Nombre de consommateurs seront encore longtemps réfractaires au principe de l’abonnement, voire même à celui de la musique dématérialisée, et il y aura de la place pour tous les types d’offres (support physique compris) sur différents segments de marché.

Je reconnais avoir un penchant assez naturel à me ranger du côté de celui sur qui tout le monde tape, en l’occurrence, par les temps qui courent, monsieur Steve Jobs. Je me suis toujours méfié de ceux qui, sans état d’âme, foulent au pied les veaux d’or qu’ils adoraient encore la veille. Dans les maisons de disques, le tir à vue sur Apple, son modèle de prix unique et son DRM propriétaire, remplace avantageusement aujourd’hui les jeux de fléchettes. Même Hilary Rosen, ex-égérie de la RIAA (le SNEP américain), s’est fendue d’une chronique dans laquelle elle vilipende Apple et lance un vibrant appel à l’interopérabilité des offres de musique en ligne. Comme si tout dépendait de Steve Jobs…

Soit, la technologie de DRM Fairplay utilisée par Apple compromet toute perspective d’interopérabilité, mais nombre de consommateurs ne lui en tiennent pas rigueur, dont le portefeuille continue à plébisciter son baladeur, et pour cause. En moyenne, ces derniers n’ont acheté que 25 titres de musique DRMisés sur iTunes Music Store. C’est donc que 99 %, voire 99,99 % des titres qu’ils tranfèrent sur leur iPod sont au format MP3, ou bien AAC mais sans DRM, ce qui est quand même, avouez-le, le meilleur gage d’interopérabilité. Là où le bas blesse, c’est que ni Hilary Rosen, ni les maisons de disques, ne semblent vouloir de cette interopérabilité-là. Il n’aura échappé à personne - c’est vite dit, vu le petit nombre de voix qui s’élèvent pour le faire remarquer - que tous les services sur abonnement qui cherchent à détrôner iTunes et le iPod avec leur option portable aujourd’hui n’ont pas eu d’autre choix que d’adopter la technologie de DRM Windows Media 10 de Microsoft, qui - Hilary Rosen en est-elle consciente ? - n’interopère qu’avec elle-même. Microsoft est bel et bien le grand gagnant de la campagne anti-Apple qui fait rage aujourd’hui. Même RealNetworks, à l’instar de Yahoo, a fini par adopter Windows Media 10 pour la nouvelle version To Go de Rhapsody. C’est dire…

Faut-il brûler Windows Media ?

Or plus je vois la mainmise de Microsoft planner sur ce nouveau marché – et s’imposer la perspective que le numéro un du logiciel finisse par contrôler l’accès à tous les types de contenus, sur le PC, les mobiles, les décodeurs TV ou les media centers -, plus je me dis qu’en définitive, tout le monde (Hilary Rosen, les maisons de disques et a fortiori les consommateurs) gagnerait à se passer purement et simplement de DRM, ou à tout le moins de protections contre la copie. Je m’explique. L’objectif de Napster, Rhapsody ou Yahoo Music est de permettre à chacun, pour 5, 10 ou 15 dollars par mois, de jouir d’une librairie musicale étendue en toute liberté, et d’écouter ce que bon lui semble quand bon lui semble sur son ordinateur, sa chaîne hi-fi ou encore sur son baladeur. Or que je sache, un système peer-to-peer entièrement ouvert dont l’accès serait facturé 5, 10 ou 15 dollars à la source par le fournisseur d’accès à Internet aboutirait exactement au même résultat. Rien n’empêcherait de reverser la même quote-part aux ayant droit que Rhapsody ou Yahoo, et tout le monde pourrait se passer de Windows Media.

Ce serait même le meilleur moyen de résoudre nombre de problèmes qui freinent aujourd’hui le développement du marché de la musique en ligne. Nous aurions tout loisir de définir un standard de compression audionumérique entièrement ouvert ; plus personne n’aurait à subir les contraintes imposées par les protections contre la copie ou les problèmes d’interopérabilité ; le nombre de consommateurs prêts à payer sa dîme pour écouter de la musique croîtrait de manière exponentielle ; et chacun pourrait se consacrer à créer de la valeur là où elle fait encore cruellement défaut - dans les systèmes de recommandation ou de personnalisation, par exemple, ou dans l’amélioration de la qualité audio -, plutôt que de perdre son latin et son argent à fliquer les supports, les périphériques, les tuyaux et les fans de musique. Quant aux systèmes de DRM, ils pourraient renouer avec leur vocation initiale : assurer la traçabilité de toutes les oeuvres et de leurs modes d’exploitation, de manière à garantir à toute la filière musicale une redistribution équitable des droits perçus.

mai 20, 2005 in Digital Music, DRM, Industrie, Peer-to-peer | Permalink

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Commentaires

salut Philippe,

Je croix que ton analyse est tout à fait pertinente, reste à convaincre bcq de monde...

Je croix aussi à des modèles sans DRM, avec traçabilité sous mp3 ou AAC et surtout bcq de valeur ajoutée côté service.

A suivre . . .

christophe

Rédigé par : sonzo | 23 mai 2005 10:15:51

Non le MP3 c'est dépassé. On veut de la qualité pour l'avenir.
Jetez une oreille au codec FLAC flac.sourceforge.net

Rédigé par : Assez | 16 mar 2006 14:51:39

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