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31/05/2005

L'Europe confisquée

Après une discussion passionnée au sujet du référendum sur la constitution européenne, il y a quelques semaines, un ami a conclu que mon discours en faveur du oui relevait de la foi et que le sien, très critique sur le fond, incarnait celui de la raison. Il venait de me retracer 50 ans de construction européenne en soulignant combien elle avait été technocratique, et à quel point elle avait été confisquée aux peuples d'Europe par leurs élites dirigeantes. Je partage complètement cette vision des choses. Je n'en persiste pas moins à penser que nous avons manqué dimanche l'occasion de favoriser la naissance d'une Europe politique, dont le citoyen se serait senti plus maître et qui aurait primé sur l'Europe économique que nous fustigeons tant. Mais nous avons choisi de bouder cette opportunité historique et de consacrer pour longtemps le règne d'une Europe purement économique, que nous jugeons trop libérale et dont nous souhaitions justement corriger les dérives. Maintenant que nous nous sommes retranchés dans notre petit village gaulois, c'est mal parti. Je ne pense pas que ce soit là une victoire de la raison. A droite comme à gauche, le non signe plutôt celle des illusionistes de la refondation sociale de la France, sur l'autel de laquelle ils viennent de sacrifier son ambition européenne.

Je respecte le choix de tous ceux qui ont voté non. Je suis même solidaire de leurs craintes, de leurs difficultés sociales et de leur désir de changement. Je dirais même mieux, je les partage, au propre comme au figuré, au même titre que leurs désillusions à l'égard de la politique à courte vue menée en France depuis trente ans. Mais j'estime qu'on nous a vendu du vent pendant cette campagne et qu'on nous a trompés. Une nouvelle fois, le débat européen vient d'être confisqué au peuple français par les élites politiques, qui l'ont ramené à un combat de coqs nationaux. Qui nous parle encore aujourd'hui de mobiliser les forces de gauche européennes pour renégocier un nouveau texte constitutionnel moins libéral, ce qu'appelaient encore de leurs voeux stériles les leaders politiques du non à la veille du scrutin ? Qui parle encore de réunir des assemblées constituantes et de rédiger une constitution faite pour les peuples et par les peuples d'Europe ? Plus personne bien sûr, car il ne s'agissait que d'une gageure. A l'heure qu'il est, la gauche européenne se trouve majoritairement désemparée par le non français, en Espagne, en Allemagne ou ailleurs. D'autant plus qu'au lendemain de cette “victoire”, plus personne en France ne se soucie d'Europe.Tout au plus concède-t-on que le processus de ratification doit se poursuivre. Mais nous avons dit non, et au fond de nous-même, nous considérons déjà que c'est l'Europe entière qui a dit non. Quelle belle leçon de démocratie... Pour la deuxième fois dans l'histoire de la construction européenne, après l'échec de la Communauté européenne de défense en 1951, la France enterre une grande idée qu'elle a elle-même portée. Depuis dimanche soir, tous les scénarios de l'après non que dresse la classe politique sont nationaux. Tel était d'ailleurs, en définitive, le véritable enjeu de la campagne du référendum, purement national, et c'est bien ce qui me désole.

Je ne vais pas m'amuser à distribuer les bons et les mauvais points, à droite comme à gauche. Les responsabilités sont nettement partagées de mon point de vue, y compris par les tenants du oui, qui n'ont pas su placer le débat à la hauteur des enjeux. Et elles pèseront lourdement sur les épaules de nos responsables politiques, de quelque bord qu'ils soient, qui ont laissé la France s'enfoncer dans une grave crise sociale et de régime, et ont confisqué un scrutin européen pour régler leurs comptes d'apothicaires, après s'être montrés tous plus impuissants les uns que les autres, depuis des lustres, face au maux dont souffrent les français. Pour toutes ces mauvaises raisons, nous venons d'ajourner, et pour longtemps, le premier grand projet politique dont était porteur le XXIième siècle. C'est avoir eu peu d'égard pour tous les espoirs que pouvaient mettre nos concitoyens européens dans cette constitution. C'est avoir eu peu d'égard également pour l'espérance de tous les peuples du monde qui attendent de l'Europe qu'elle les éclaire de ses lumières. C'est ce que retiendra l'histoire, et c'est ce qui me déçoit le plus profondément.

mai 31, 2005 in Hors sujet | Permalink | Commentaires (2) | TrackBack

28/05/2005

Oui !

Sincèrement, je ne pensais pas que ce blog serait le lieu pour moi de m'exprimer sur le référendum de ce dimanche. C'est d'ailleurs un peu tard, mais bon... Pendant deux mois, j'ai fait campagne pour le oui autour de moi, essentiellement auprès d'un cercle d'amis en proie à mille doutes, sans chercher à les convaincre à tout prix, mais en leur donnant suffisamment de clés pour se déterminer eux-mêmes dans l'isoloir : des arguments du non qui m'ont moi-même ébranlé dans mes convictions, et des arguments du oui qui expliquent ma détermination d'aujourd'hui à voter en faveur de ce traité. J'avais prévu de m'abstenir de parler publiquement de ce sujet. Mais je trépigne trop de ne pouvoir dénoncer ce qui m'apparait de plus en plus comme une imposture de la part des tenants du non à gauche (je ne m'intéresse absolument pas au non de droite). Aussi, en cette veille de scrutin, j'ai décidé de  me lâcher.

J'ai participé il y a une dizaine de jours à Toulouse, sur invitation d'une amie, à une réunion de quartier sur le référendum qui réunissait plusieurs dizaines de communistes, de membres d'Attac et de sympathisants du PC, où j'étais le seul représentant du oui. Tout le monde a accepté le débat et m'a répondu avec des arguments de plus en plus précis et pertinents au fil de la discussion, qui rompaient avec les déclamations pro-non abondamment applaudies en début de soirée, avant que je ne me dévoile. Tout le monde, à l'exception d'un chevènementiste extrêmement virulent - qui m'a pourri pendant une demi-heure (mais ces gens là ne veulent de toute façon pas d'une Europe politique, encore moins d'une constitution) - et d'un vieux monsieur qui s'est énervé et m'a traité de menteur lorsque j'ai invoqué l'article I-26 (qui donne la possibilité au parlement européen de voter une motion de censure contre la Commission européenne au paragraphe 8, c'est à dire de la destituer purement et simplement) et l'article III-396 (qui fait du même parlement l'instance ayant le dernier mot sur l'adoption ou non des lois et lois cadres proposées par la Commission, paragraphes 7b et12).

Je suis sorti revitalisé de cette réunion, avec le sentiment d'avoir pris part à un véritable débat démocratique, celui qui s'est instauré partout en France au sujet de ce traité constitutionnel, et qui a mobilisé l'ensemble de la population. Je me suis senti d'autant plus à l'aise avec ces sympathisants communistes que j'ai une empathie naturelle pour un grand nombre des préoccupations sociales qu'ils expriment. Sauf que je ne fais pas la même analyse qu'eux des enjeux de ce scrutin. Pour moi, ce traité constitutionnel consacre la naissance d'une Europe politique, seule à même de réguler les effets néfastes de la mondialisation, pour mieux profiter de ses bienfaits (car il en existe) et mettre l'économie au service des hommes et des femmes d'Europe.

Je suis particulièrement fier en tant qu'européen, par ailleurs, des droits constitutionnels qui sont accordés aux citoyens de l'Union dans ce texte, et d'un certain nombre d'objectifs qu'elle se fixe, comme le développement durable, le plein emploi, l'exception culturelle, l'interdiction de toute discrimination, l'égalité entre les hommes et les femmes et j'en passe. Ils sont inscrits eux aussi dans le marbre, dans les parties I et II, au même titre que la partie III tant décriée.

Je ne vais pas reprendre le chapelet des arguments du oui, que vous avez déjà entendus par ailleurs, mais je voudrais répondre à ceux qui brandissent les épouvantails de la "concurrence libre et non faussée" et de "l'économie de marché". Ces deux expressions sont utilisées comme des arguments en soi par les partisans du non à gauche, d'une manière qui me parait les galvauder ou les vider de leur sens.

Nous vivons dans une économie de marché dont l'origine remonte à la fin du moyen-âge, une économie de marché qui aujourd'hui se mondialise, mais sur le développement de laquelle se sont d'abord construits les Etats-nations, dont la France, dans un processus similaire (quoique moins policé ou démocratique) d'abandon de souveraineté par de nombreux fiefs locaux. C'est également sur cette économie de marché que s'est construite l'Europe depuis cinquante ans, et je ne considère pas que ce soit un mal en soi, même si je regrette qu'on se soit passé d'Europe politique pendant tout ce temps.

Qu'il y ait une nécessité politique de réguler les marchés, au nom notamment de préoccupations sociales, je le crois fondamentalement, et je considère que le traité constitutionnel qui nous est proposé nous donne les moyens d'exercer démocratiquement cette régulation politique à l'échelle européenne. Maintenant, s'il s'agit d'instaurer une économie d'Etat complètement dirigée, par opposition à l'économie de marché, qu'on nous le dise clairement ! En tant qu'homme de gauche européen, je ne partage pas ce projet. Il y a longtemps que j'ai dédiabolisé l'expression "économie de marché" dans mon esprit. Suis-je pour autant libéral ? au sens ultra-libéral du terme, celui que lui donne la gauche du non et qui voudrait que les marchés régulent tout ? Ma réponse est non. Je suis foncièrement libertaire, favorable à une économie de marché plutôt qu'à une économie d'Etat, mais je ne suis pas libertarian, ni pétri du rêve américain. Mon rêve à moi, il est européen.

Passons à la "concurrence libre et non faussée". Qui dit économie de marché dit concurrence. Que cette concurrence soit libre me paraît la moindre des choses. Au nom de quoi serait-elle entravée ? Au nom du niveau de protection sociale élevé que l'Europe se fixe comme objectif dans ce traité ? Je suis d'accord. Cette constitution nous le garantie et ce n'est pas la seule limitation qu'elle impose à la liberté économique. Il en est d'autres d'ordre plus politique, qui font que cette liberté économique s'arrêtera là où commence l'intérêt général. Dans ces conditions, je suis pour une "concurrence libre". Elle n'empêchera pas de mener des politiques de gauche en Europe (citoyens, aux urnes !). Et que cette concurrence soit dite "non faussée" n'est qu'une garantie que se donne l'Europe de faire barrage aux monopoles et oligopoles en tous genres, et à la perspective que des multinationales privées puissent gouverner l'ensemble des marchés et des nations.

Enfin, les partisans du non s'inquiètent de l'avenir des services publics à la française. J'y suis personnellement attaché, lorsqu'il s'agit de sécurité sociale et d'éducation, par exemple, qui ne sont pas des secteurs marchands, mais je ne suis pas opposé à ce que certains secteurs, comme les télécommunications, l'énergie, la poste ou les transports soient ouverts à la concurrence. Dans les faits, c'est d'ailleurs déjà le cas, à nos dépends mais aussi à notre avantage. Certaines entreprises publiques françaises, comme EDF, se conduisent comme de véritables prédateurs sur les marchés étrangers. C'était également le cas de France Telecom avant sa privatisation, un peu partout en Europe. Pourquoi ferait-on deux poids et deux mesures dans ce domaine ? Avec des entreprises publiques qui forcent les portes des marchés extérieurs mais revendiquent la surprotection de leur marché intérieur...

Bien sûr, la perspective de privatiser des entreprises comme EDF soulève de nombreuses inquiétudes sociales et c'est légitime. Mais il revient dans ce cas à nos gouvernements nationaux de mener des politiques adaptées pour y répondre, selon des critères dont j'estime qu'il est heureux qu'ils ne nous soient pas imposés par Bruxelles, au nom d'une harmonisation sociale qui serait nécessairement tirée vers le bas. Par ailleurs, les entreprises privées qui investiront ces secteurs publics ouverts à la concurrence seront assujetties à une obligation de service public. A nos gouvernements de la faire respecter. Je ferai remarquer par ailleurs que sans l'ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence, le développement de l'Internet haut débit, ou celui de la téléphonie mobile, domaine dans lequel l'Europe est nettement en avance par rapport aux Etats-Unis, ne seraient pas où ils en sont.

On a beaucoup parlé également dans ce débat sur le traité constitutionnel européen des délocalisations. Pour avoir grandi dans une région qui a vécu comme un drame la fin des Trente glorieuses dans les années 70, au moment de la crise du pétrole, et dont le tissu industriel et le bassin d'emplois se sont littéralement désintégrés dans l'intervalle, je sais ce qu'on peut ressentir lorsque des dizaines voire des centaines de familles du pays sont mises sur le carreau du jour au lendemain (il s'agissait en l'occurence du Pays Cathare). Je me dis seulement que la mondialisation ne date pas d'hier, et que ceux qui nous ont gouverné depuis 30 ans auraient dû anticiper ce genre de problématiques économiques, et mener des politiques adéquates pour prévenir les dégats sociaux engendrés par ce phénomène. Je me dis aussi que cette question n'a rien à voir avec la constitution européenne. Les délocalisations ont commencé avant ce référendum et maheureusement, elles se poursuivront après et causeront encore de nombreux débats, quelle que soit l'issu du vote des 25 pays de l'Union. Agir sur cette question relève à la fois de politiques nationales et européennes. Et dans ce domaine comme dans d'autres, le traité nous donne des moyens, fussent-ils encore imparfaits, de faire primer la politique sur l'économie.

Je ne juge pas utile de m'étendre un peu plus, sauf à dénoncer pour finir ce que j'évoquais en introduction et que je considère comme une véritable imposture de gauche : celle qui voudrait nous faire croire qu'il sera possible, dès lundi, de se retrousser les manches pour renégocier une nouvelle constitution européenne. C'est pure illusion à mon sens. C'est même insensé, voire intellectuellement malhonnête. A moins de souscrire au mythe du grand soir révolutionnaire que nourrit encore l'extrême gauche. Désolé d'être brutal, mais cela relève pour moi d'une certaine immaturité politique. Adoptons ce traité et mobilisons-nous pour construire l'Europe que nous voulons en nous appropriant les institutions démocratiques dont il nous dote.

Cela dit, j'aurais préféré perdre deux ans à convaincre les allemands ou les anglais d'organiser un référendum à l'échelle européenne. Pour que les peuples européens, dont on nous parle tant et dont nous faisons partie, puissent se prononcer d'une seule voix. Si cette voix avait dit non, j'aurais compris que l'Europe n'était pas prête à éclairer le XXIième siècle de ses lumières. Et si elle avait dit oui, j'aurais dis Banco ! au boulot ! Mais quelque soit le résultat du vote de demain, j'aurai le sentiment d'un grave déficit démocratique. Et si la France dit non, j'aurai le sentiment d'un vrai gâchis, par pour nous mais pour les générations futures, pour nos enfants et nos petits-enfants. Il auront suffisamment de choses à nous reprocher pour ne pas y ajouter le fait de leur avoir fait perdre dix, quinze ou vingt ans dans la construction d'un rêve européen susceptible de d'éclairer le genre humain, dont l'avenir est aujourd'hui des plus incertain.

mai 28, 2005 in Hors sujet | Permalink | Commentaires (3) | TrackBack

26/05/2005

Les internautes européens et la musique digitale

Les internautes suédois sont les plus nombreux (80 %) à être familiarisés avec la musique digitale, devant les espagnols (75 %), les hongrois et les allemands (68 %). Les français ne se classent qu’en 7ième position (63 %), derrière les hollandais (65 %) et les anglais (64 %). Nous sommes 60 % à écouter des radios en ligne, 35 % à utiliser un baladeur MP3 et 20 % à utiliser notre mobile à des fins musicales. C’est ce que révèle une étude menée auprès d’un panel représentatif de 4852 internautes européens réalisée par Berlecon Research pour le site Indicare.org, qui se penche plus particulièrement sur les usages.

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mai 26, 2005 in Digital Music, DRM, Industrie | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack

25/05/2005

Un monde sans DRM ni licence légale

Certains lecteurs ont cru voir dans ma note précédente un playdoyer en faveur de la licence légale appliquée au peer-to-peer, or il n’en est rien. Je milite seulement en faveur d’un surplus d’imagination pour sortir de la situation de blocage actuelle. Elle enferme le consommateur dans des systèmes de DRM contraignants et le fournisseur de contenu dans un modèle de business révolu, ou pour le moins en fin de règne (vendre un produit ou service, matériel ou numérique, et point barre). Je vais être encore plus clair : je ne suis pas partisan de la licence légale. La seule chose qui me préoccupe aujourd’hui, c’est de trouver une nouvelle manière de réguler le marché dans une logique gagnant-gagnant, ce qui passe certainement par une révolution des mentalités.

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mai 25, 2005 in Digital Music, DRM, Industrie, Internet, Peer-to-peer | Permalink | Commentaires (1) | TrackBack

20/05/2005

J’ai rêvé d’un monde sans DRM

Pour le tandem iPod-iTunes Music Store, qui a fait le succès d’Apple dans la musique en ligne, le vent risque de tourner très bientôt estiment nombre d’analystes aujourd’hui, qui prévoient que le fabricant d’ordinateurs Macintosh va commencer à perdre des parts de marché au profit de services sur abonnement comme Napster, Rhapsody et surtout Yahoo Music. C’est du moins l’opinion qu’exprime le cabinet d’études Strategy Analytics dans une nouvelle étude intitulée : “Online Music : Will Napster Be the Next iTunes as Subscriptions Replace Downloads?” (Est-ce que Napster sera le prochain iTunes ?). Se poser la question ne mange pas de pain, et y répondre par l’affirmative ne relève plus aujourd’hui d’un grand courage intellectuel. Il faut dire que Yahoo vient d’ébranler tout ce beau monde, avec l’offre la plus aboutie qui soit dans ce domaine, à un prix défiant toute concurrence. Dès lors, les analystes sentent que le vent tourne. Et tels des girouettes, ils tournent aussi.

“Le modèle de vente par téléchargement popularisé par Apple est coûteux et inefficace”, nous explique doctement un des auteurs de l’étude, l’analyste Martin Olausson. “Plus le marché de la musique en ligne arrive à maturation, plus les consommateurs vont accorder de la valeur au fait d’avoir accès à un grand choix de musique plutôt que [de se contenter] d’acheter un petit nombre de titres”, explique-t-il. Personnellement, ce jus de crâne me paraît un peu daté. Peut-être parce que j’ai déjà exprimé ce genre de point de vue il y a quelques mois dans ces colones et dans de nombreux articles, après avoir eu l’opportunité de tester Napster et Rhapsody. Sauf qu’à l’époque, dans les milieux autorisés, la tendance était encore à encenser Apple, le iPod et iTunes Music Store.

Tir à vue sur Apple

Bizarrement, aujourd’hui, j’aurais plutôt tendance à mettre un peu d’eau dans mon vin. Certes, si Yahoo Music était disponible en Europe, je compterais probablement parmi ses premiers abonnés. A 5 € par mois (le prix d’un paquet de cigarettes, quand je songe à arrêter de fumer), il n’y a vraiment pas de quoi s’en priver. Mais l’expérience m’a appris à ne pas extrapoler trop rapidement mon comportement de technophile avancé déjà propulsé dans “L’âge de l’accès” (cf. l’ouvrage édifiant de l’économiste américain Jeremy Rifkins paru en poche sous ce titre). Nombre de consommateurs seront encore longtemps réfractaires au principe de l’abonnement, voire même à celui de la musique dématérialisée, et il y aura de la place pour tous les types d’offres (support physique compris) sur différents segments de marché.

Je reconnais avoir un penchant assez naturel à me ranger du côté de celui sur qui tout le monde tape, en l’occurrence, par les temps qui courent, monsieur Steve Jobs. Je me suis toujours méfié de ceux qui, sans état d’âme, foulent au pied les veaux d’or qu’ils adoraient encore la veille. Dans les maisons de disques, le tir à vue sur Apple, son modèle de prix unique et son DRM propriétaire, remplace avantageusement aujourd’hui les jeux de fléchettes. Même Hilary Rosen, ex-égérie de la RIAA (le SNEP américain), s’est fendue d’une chronique dans laquelle elle vilipende Apple et lance un vibrant appel à l’interopérabilité des offres de musique en ligne. Comme si tout dépendait de Steve Jobs…

Soit, la technologie de DRM Fairplay utilisée par Apple compromet toute perspective d’interopérabilité, mais nombre de consommateurs ne lui en tiennent pas rigueur, dont le portefeuille continue à plébisciter son baladeur, et pour cause. En moyenne, ces derniers n’ont acheté que 25 titres de musique DRMisés sur iTunes Music Store. C’est donc que 99 %, voire 99,99 % des titres qu’ils tranfèrent sur leur iPod sont au format MP3, ou bien AAC mais sans DRM, ce qui est quand même, avouez-le, le meilleur gage d’interopérabilité. Là où le bas blesse, c’est que ni Hilary Rosen, ni les maisons de disques, ne semblent vouloir de cette interopérabilité-là. Il n’aura échappé à personne - c’est vite dit, vu le petit nombre de voix qui s’élèvent pour le faire remarquer - que tous les services sur abonnement qui cherchent à détrôner iTunes et le iPod avec leur option portable aujourd’hui n’ont pas eu d’autre choix que d’adopter la technologie de DRM Windows Media 10 de Microsoft, qui - Hilary Rosen en est-elle consciente ? - n’interopère qu’avec elle-même. Microsoft est bel et bien le grand gagnant de la campagne anti-Apple qui fait rage aujourd’hui. Même RealNetworks, à l’instar de Yahoo, a fini par adopter Windows Media 10 pour la nouvelle version To Go de Rhapsody. C’est dire…

Faut-il brûler Windows Media ?

Or plus je vois la mainmise de Microsoft planner sur ce nouveau marché – et s’imposer la perspective que le numéro un du logiciel finisse par contrôler l’accès à tous les types de contenus, sur le PC, les mobiles, les décodeurs TV ou les media centers -, plus je me dis qu’en définitive, tout le monde (Hilary Rosen, les maisons de disques et a fortiori les consommateurs) gagnerait à se passer purement et simplement de DRM, ou à tout le moins de protections contre la copie. Je m’explique. L’objectif de Napster, Rhapsody ou Yahoo Music est de permettre à chacun, pour 5, 10 ou 15 dollars par mois, de jouir d’une librairie musicale étendue en toute liberté, et d’écouter ce que bon lui semble quand bon lui semble sur son ordinateur, sa chaîne hi-fi ou encore sur son baladeur. Or que je sache, un système peer-to-peer entièrement ouvert dont l’accès serait facturé 5, 10 ou 15 dollars à la source par le fournisseur d’accès à Internet aboutirait exactement au même résultat. Rien n’empêcherait de reverser la même quote-part aux ayant droit que Rhapsody ou Yahoo, et tout le monde pourrait se passer de Windows Media.

Ce serait même le meilleur moyen de résoudre nombre de problèmes qui freinent aujourd’hui le développement du marché de la musique en ligne. Nous aurions tout loisir de définir un standard de compression audionumérique entièrement ouvert ; plus personne n’aurait à subir les contraintes imposées par les protections contre la copie ou les problèmes d’interopérabilité ; le nombre de consommateurs prêts à payer sa dîme pour écouter de la musique croîtrait de manière exponentielle ; et chacun pourrait se consacrer à créer de la valeur là où elle fait encore cruellement défaut - dans les systèmes de recommandation ou de personnalisation, par exemple, ou dans l’amélioration de la qualité audio -, plutôt que de perdre son latin et son argent à fliquer les supports, les périphériques, les tuyaux et les fans de musique. Quant aux systèmes de DRM, ils pourraient renouer avec leur vocation initiale : assurer la traçabilité de toutes les oeuvres et de leurs modes d’exploitation, de manière à garantir à toute la filière musicale une redistribution équitable des droits perçus.

mai 20, 2005 in Digital Music, DRM, Industrie, Peer-to-peer | Permalink | Commentaires (2) | TrackBack

13/05/2005

200 titres gratuits sur Amazon.com

Amazon.com a ouvert une page Free Music Download à partir de laquelle peuvent être téléchargés gratuitement pas moins de 200 titres de musique au format MP3 sans DRM et non des moindres, puisque figurent parmi les artises présents, au fil de ma sélection personnelle : Moby, Yo La Tengo, Beck, The Stroke, Depeche Mode, Ani Di Franco, Modest Mouse, Interpol, Vic Chesnutt, Bob Marley, Aimee Mann, The Offspring, Tom Waits, Air, Bad Religion, Ellioth Smith, Badly Brawn Boys, Styx, Motorhead, Louis Amstrong, Nick Cave, Brian Eno, Al Di Meola, Fisher, Billy Bragg, The Pavement et Kid Loco. Une seule adresse pour rafraîchir son iPod : ICI !!!

mai 13, 2005 in Rock Altitude | Permalink | Commentaires (2) | TrackBack

Les MP3 phones vont-ils détrôner le iPod d’Apple ?

Bill Gates, architecte logiciel en chef de Microsoft, ne croit pas que le succès du baladeur iPod d’Apple soit durable. C’est ce qu’il a confié hier dans un interview accordé au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung. “Je pense que vous pouvez faire un parallèle avec ce qui s’est passé pour les ordinateurs personnels - dans ce domaine, Apple était également extrêmement fort avec son Macintosh et son interface graphique, comme avec le iPod aujourd’hui, mais a ensuite perdu son leadership", a-t-il déclaré. Le co-fondateur de Microsoft se dit convaincu que les téléphones mobiles MP3 supplanteront le baladeur d’Apple. “Si vous m’aviez demandé quel périphérique mobile occupera la première place pour ce qui est d’écouter de la musique, j’aurais parié sans hésitation sur le téléphone mobile", a-t-il indiqué.

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mai 13, 2005 in Digital Music, DRM, Hardware, Industrie, Mobiles | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack

La société d’auteurs américaine BMI se lance dans le podcasting

La société de gestion collective américaine BMI, qui gère les droits de performance publique de 300 000 auteurs, compositeurs et éditeurs de musique américains et se revendique comme la première à avoir lancé son site Web et permis de licencier les oeuvres de son répertoire sur Internet, vient de franchir un nouveau pas en produisant un podcast hebdomadaire baptisé “See It First Hear", destiné à promouvoir des artistes non signés auprès des professionnels de l’industrie de la musique.

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mai 13, 2005 in Industrie, New Media | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack

06/05/2005

Les majors du disque ne sont que des géants aux pieds d'argile

L'incident défrait la chronique dans le business de la musique outre-Atlantique. Linkin Park, l'un des plus grands groupes de rock de la dernière décennie en terme de ventes, veut claquer la porte au nez de sa maison de disque Warner Music. L'affaire fait plutôt mauvaise presse à Wall Street, à quelques semaines de l'introduction en bourse de la major, qui espère lever autour de 750 millions de dollars. Selon The Firm, la compagnie qui manage Linkin Park, les réductions de coûts engagées au sein de Warner Music depuis son rachat à Time Warner par un groupe d'investisseurs privés, ne lui permettent plus d'assurer convenablement la promotion du groupe et d'être compétitif sur le marché. L'introduction en bourse de Warner Music n'y changera rien. Sur la totalité des fonds levés, seuls 7 millions de dollars devraient venir alimenter les caisses de la maison de disques. Le reste ira dans les poches des actionnaires qui ont financé son rachat - ils percevront 280 millions de dollars de dividendes -, ou servira à rembourser divers prêts contractés en complément pour payer Time Warner.

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mai 6, 2005 in Industrie | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack

02/05/2005

Recommandation musicale : état de l’art

Sun Microsystems a dévoilé récemment un projet de moteur de recherche musical, “Search Inside The Music", basé sur une analyse du contenu audio des fichiers (rythme, tempo, etc.). Le système permet d’analyser une minute de musique en trois secondes, explique Paul Lamere, un des principaux développeurs du projet chez Sun Labs : “Il cherche alors des fichiers ayant les mêmes attributs". Ce moteur de recommandation musicale, qui requiert une formidable puissance de calcul, sera vraisemblablement accessible via un serveur, mais le fruit de ses analyses pourra tout aussi bien être intégré aux méta-données des fichiers musicaux.

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mai 2, 2005 in Digital Music, Software | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack