Chant diphonique, guimbarde, guitare, accordéon, voilà des ingrédients auxquels je ne vous ai pas vraiment habitués sur ce blog. Ajoutez-y un zeste irrésitible de poésie, comme peu d'auteurs de chansons en écrivent encore, beaucoup de talent et un charme inné...
Je vous ai résumé Ottilie, jeune artiste audoise dont je n'ai que ouïe-dire, une voisine d'Olivia Ruiz, lutine gouailleuse qui habite à deux pas, sur ces terres hérétiques où soufflent depuis des lustres la Tramontane
et les brises méditéranéennes, et où virevoltent encore, au moins dans
l'esprit des autochtones, les cendres des bûchers cathares.
De ce pays d'Oc où
se sont élevés les plus beaux chants d'amour courtois. Ottilie ne fait pas qu'assumer l'héritage, elle le transcende, sur toutes les scènes qui veulent bien l'accueillir. C'était mon coup de coeur de la semaine...
Expliquez à un américain que Manu Chao est français, il vous rira au nez. C’est pourtant vrai, même s’il vit la plupart du temps à Barcelone et vend des millions de disques à l’international. Ce qui ne l’empêche pas de rester un artiste authentique, ni d'être très détaché, critique et lucide à l’égard du business de la musique.
Malgré le succès dont il jouit désormais à l’international, en Amérique Latine, au Japon ou aux Etats-Unis, l’ancien leader des Hot Pants - son premier groupe, qui écumait 300 scènes par an dans les années 80 - et de la Mano Negra - la formation avec laquelle il a connu ses premiers grands succès commerciaux, avant de repartir à zéro sur des bases plus artisanales - est resté à 46 ans le passionné de musique un peu introverti qu’il était adolescent, lorsque tout a commencé pour lui dans les squats parisiens, à l’âge de 17 ans.
Manu Chao, qui fut l’un des pionniers de la scène rock alternative en France, est un artiste authentique, qui préfère la fréquentation des musiciens des rues catalans – « il y a des titres de mon nouvel album qui sont depuis longtemps des standards pour eux », s’amuse-t-il - à celle des VIP de l’industrie du disque. Autre travers, qu’il cultive volontiers : il n’a jamais appris à manier la langue de bois à l’école.
« Je fulmine quand j’entends dire que les majors paient cher l’évolution du marché, avec la piraterie et tout ça… C’est se foutre du monde. Qui fabrique et vend les machines, la technologie pour pirater les artistes ? Si ce n’est pas exactement les mêmes qui en profitent, c’est leurs cousins, d’autres multinationales », a déclaré au micro de Valli, dans l'émission Système Disque sur France Inter, celui qui se défend pourtant d’être devenu une icône de l’altermondialisme.
Pour le moins en rupture d’industrie, il n’hésite pas à confier que son excellent dernier album, La Radiolina, sera probablement son dernier CD : « Je n’arrêterai pas la musique, mais, vu l’évolution technologique, peut-être que par la suite, dès que j’aurai une nouvelle chanson, je la mettrai en ligne… j’utiliserai mon site Internet comme une station de radio », confiait-il récemment à Courrier International
Que les ventes de disques se portent de moins en moins bien, c’est pour lui une réalité incontournable, et il en tire déjà la leçon. « Il faut penser à de nouvelles manières de diffuser la musique, dit-il. L’avenir, pour nous auteurs, compositeurs, artistes, passe par deux choses : Internet et les concerts. »
Il ne se laisse pas plus affliger par le piratage : « C’est un peu la fin des dinosaures. Les majors sont victimes de leur propre loi du marché : le public choisit le moins cher, voire le gratuit, déclare-t-il. Dans le même temps, d’autres industries, notamment celles qui fabriquent les lecteurs MP3, engrangent les bénéfices. Les uns perdent, les autres gagnent. Et nous, chanteurs, devons trouver notre place pour continuer… »
Dans l’esprit de Manu Chao, le piratage a toujours existé : « Adolescents, quand un ami achetait un album, nous étions 80 à l’enregistrer. Je n’exagère pas : à l’époque, 90 % de ma discothèque était piratée. » Alors qu’il se pratique désormais à grande échelle sur Internet, il préfère parier sur l’éthique du public : « Que les gens piratent les « gros » comme moi, ça ne me gène pas, affirme-t-il. Mais qu’ils fassent l’effort d’acheter la musique des petits labels. »
« Une seule chose ne peut être piratée selon moi : la scène, poursuit Manu Chao. Ceux qui se défendent sur les planches s’en sortiront mieux que ceux qui dépendent du studio. »
A ce stade de la « revisitation » forcée des sixties et des seventies que j'ai entamée sur ce blog, ce qui était pour moi un cas de force électorale majeure, certains d'entre vous doivent se demander ce qui, dans la production musicale contemporaine, est encore susceptible de m'émouvoir.
Mais le tsunami qui devait balayer d'un revers de main présidentiel l'héritage de mai 68 s'étant transformé en vaguelette, je peux quand même lâcher un peu de lest. Voici donc ma réponse, sans plus attendre. Mon dernier coup de coeur s'appelle Of Montreal.
Of Montreal - Cato As a Pun
Il y a quelques semaines déjà que leurs zoreilles doivent siffler tellement ça buzze un max à leur sujet dans une certaine blogosphère. Ce combo d'Athens, Georgie, a déjà sorti huit albums en l'espace de dix ans, comme quoi on peut passer longtemps à côté du bonheur sur lequel on est assis, un peu comme l'Alchimiste de Cuelho.
Of Montreal - Faberge Falls For Shuggie
Mais trêve de parabole, ma légende personnelle m'a finalement conduit à mettre une main heureuse sur un enregistrement de leur passage sur KCRW Radio, aux Etats-Unis, et j'avoue que je suis encore tout guilleret d'avoir pris une telle claque.
Of Montreal - Bunny Ain't No Kind Of Rider
Il y avait pourtant eu des signes avant-coureur, cet intérêt subit que je manifestais pour The White Stripes, par exemple, ou pour The Raconteurs et Wilco, à qui j'ai donné le bon Dieu du rock'n roll sans confession il y a déjà longtemps, bien qu'on soit là le plus souvent dans un registre néo-folk rock psychédélique très scénique et assez brouillon en définitive.
Of Montreal - She's A Rejecter
Disons qu'avec Of Montreal, et vous vous en êtes certainement déjà rendu compte si vous avez écouté les quelques titres qui égrennent ce billet, c'est un peu comme si toute cette horde de néo-folkeux indie pop, qui sont tous un peu des enfants de Devendra Banhart, avait décidé de ranger un petit peu sa chambre et d'y inviter les Beatles, The Cure et David Bowie.
La vidéo de sa prestation live à Taratata est l'un des contenus qui génère le plus d'audience sur ce blog via des requêtes sur Google, c'est dire l'intérêt suscité sur le Web par John Butler, natif de Californie exilé très jeune sur les terres australiennes où naquit son père, qui nous gratifie d'un nouvel album incontournable, sous le titre de Grand National.
John Butler est à ranger aux côtés des Dave Matthews Band, Ben Harper et autres John Mayers, et Dieu sait que j'apprécie ce genre de nourritures musicales.
John Butler - Funky Tonigh
Il n'a d'ailleurs pas son pareil pour électrifier une guitare folk ou un vieux dobro. Impossible, pour ma part, de résister à la tentation de me laisser envoûter, avec toutes les réminescences que sa musique provoque en moi - comme une évocation du hameau de Besse, au dessus de Festes St André, et d'une foule de bons souvenirs, entre festivités flower pop et amours hippies passagères.
John Butler - Gov Did Nothin'
Il y a un peu de vaudou dans cette musique, un peu de surnaturel arborigène, probablement aussi une once de peyolt, pour la dimension hallucillogène, et quelque chose d'irrésistible qui mélange blues et musique cajun. Le genre de diablerie dont on ne voudrait jamais être exorcisé.
Imaginez une petite maison dans la prairie devant laquelle vous vous arrêtez avec votre chariot, envouté par la voix cristaline qui s'élève dans les airs et par cette guitare accrocheuse, à peine électrique, presque anachronique dans ce paysage de far-west, où vit seule, de chansons et d'eau fraîche, une petite fée un peu cow-boy, qui s'appelle Feist, Leslie Feist, et sur laquelle vous craquez, instantanément, definitely...
Ben, je vous ai fait le dessin. Il vous reste plus qu'à tendre l'oreille.
Twelve, c'est avec un album de douze reprises que tatie Patti Smith remet le couvert, avec quelques opus bien choisis des Stones, des Doors, de Nirvana, et même de Tears For Fears, Gregg Allman ou encore Stevie Wonder.
L'égérie hippie des seventies ne cherche pas à redorer son blason poétique sur le dos de standards pondus par ses copains mais s'est simplement pliée en studio à un exercice dont elle était déjà coutumière sur scène il y a trente ans, quand elle n'hésitait pas à se lancer, en plein set, dans des reprises des Who et consorts.
Elle parvient sans complexe à imprimer son propre univers, celui de Horsesou Radio Ethiopia, à toutes ces chansons que, du coup, on réécoute avec beaucoup de plaisir et une oreille différente.
Il n'y a pas que dans le roman Da Vinci Code (1) qu'on peut trouver les signes d'un retour en grâce de l'éternel féminin. Il suffit d'écouter Feist chanter et s'accompagner avec sa demi-caisse électrique pour s'en convaincre. Voix d'ange sur guitare de blouseuse.
Feist est d'origine canadienne anglophone et a séjourné quelques temps à Paris pour écrire son dernier album, Let It Die, sorti fin 2004 et dont je vous conseille bien sûr l'écoute. On y retrouve sa voix d'ange et ses mélodies doucereuses, mais malheureusement pas sa guitare écorchée vive. C'est pourquoi je préfère que vous la découvriez sur scène dans la vidéo ci-contre.
Vous la trouverez encore plus craquante dans cette cession enregistrée en solo dans les studios de la radio américaine KCRW (8 titres en solo + un interview) que je vous recommande chaudement (format Real Video). A chaque arpège de Feist, c'est comme si ses ongles allaient rester accrochés aux notes. Son jeu est décousu, presque gauche, approximatif, mais tellement efficace. Il y a du Keith Richard et du Jimmy Hendrix dans la manière dont cette Sainte Rita du folk ou du blues, comme on voudra, triture sa six cordes. Et puis la magie de sa voix opère, et tout rentre dans le rythme, jusqu'au plus évidentes imperfections, qui apportent un touche bluesy des plus saisissante.
A noter que Feist vient de sortir une compilation, Open Season, qui propose des remix de la plupart des chansons de son album Let It Die. Avant de partir une petite semaine en vacances, je voulais juste vous faire cette confidence : éternel féminin ou pas, Feist, j'adore...
(1) On a fini par me convaincre de le lire, mais il y a déjà longtemps que je
voue un culte à Marie-Madeleine plutôt qu'à la Vierge Marie et que je
préfère l'évangile de Thomas aux autres.
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