« Voir les Stones sur scène et mourir ». C'est un slogan que j'aurais volontiers fait mien dans ma jeunesse. Il se trouve que j'ai réalisé ce vieux rêve le 8 août dernier à Nice et que je n'en suis pas mort, ce dont je me réjouis. Mais j'ai quand même pris une sacrée claque. Certes, toutes les conditions étaient réunies : accueil VIP, tribune d'honneur, meilleur show de la tournée européenne (de l'avis général), un son d'enfer, un set de deux heures sans faille.
The Rolling Stones - Jumpin' Jack Flash (1)
Ron Wood n'a pas mis une seule note à côté et Keith Richard n'a pas piqué une seule fois du nez. Quant à cet ado (très) attardé de Mick Jagger, il s'est même payé le luxe de me subjuguer avec sa voix, qui ne m'avait jamais vraiment fait craquer jusque là, et avec sa forme olympique (il a parcouru au moins 20 kilomètres sur scène pendant le concert).
Les Stones nous ont vraiment joué de la bonne musique ce soir là - on aurait même dit qu'ils y prenaient beaucoup de plaisir : du rythm n' blues, de la vraie dance music, ensorcelante, endiablée, un enchainement de tubes plus mythiques les uns que les autres : Jumpin' Jack Flash, Honky Tonk Women, Sympathy For The Devil, Satisfaction, etc. A se demander s'ils n'avaient pas déjà tout écrit en 1969.
The Rolling Stones - Midnight Rambler (1)
Quant au son, il était si bon et si puissant que pas une de ces vieilles ritournelles ne semblait avoir pris une ride. Chapeau bas, les mecs ! Vous êtes de vrais mythes vivants, survivants héroiques de quarante glorieuses matinées de « Sex & Drugs & Rock n' roll » (hymne magistralement interprété par Ian Dury dans les années 80). Comme quoi c'est quand même un cocktail qui conserve, hein Johnny ?
A quel prix ? Je vous l'accorde : Keith Richard, que j'ai toujours adulé comme guitariste et qui a toute mon affection au sein des Stones, a désormais une gueule de vieille mémé décatie. Mais après tout, il n'a jamais été non plus un canon de beauté et ça lui fait une bonne tête de grand-père (c'est de son âge). Et franchement, ça m'aurait bien branché d'avoir un papy comme lui (j'adorais les miens, en l'occurence, et il aurait plutôt l'âge d'être mon père). Je l'imagine bien me disant, entre deux accords de guitare : « Mon petit, je te déconseille fortement d'ingurgiter autant de drogues que moi, je suis le seul au monde à pouvoir encaisser tout ça. » On place sa fierté où l'on peut.
The Rolling Stones - Live With Me (1)
Tout ça pour dire que les Stones m'ont mis une claque, mais pas seulement. Ce soir là, il y a autre chose qui m'a frappé. Après qu'une portion de la scène emportant les quatre Stones et leur bassiste se soit avancée au milieu du stade, c'est une véritable marée d'écrans de téléphones mobiles de dernière génération que j'ai vu se lever au dessus de la fausse, des centaines et des centaines de petits écrans filmant ou photographiant le show en même temps. C'était assez hallucinant. Comme le fait de ne croiser que quelques rares fumeurs dans les travées, et de ne même pas voir un seul joint tourner.
50 000 non fumeurs dans un stade, je n'avais jamais vu ça ! Les gros concerts d'aujourd'hui, c'est certainement devenu une sacrée « experience », comme disent les américains, mais c'est quand même plus ce que c'était. Un peu trop liophilisé à mon goût, comme ambiance, et très encadré. Désormais, on est plutôt dans le registre « No Sex, No Drugs, Just Rock n' roll ». Quant à la marée d'écrans de mobiles, elle m'a rappelé ces cérémonies de mariage à l'église au cours desquelles on dénombre plus de Landru en train de filmer ou de photographier que de personnes vraiment attentives à ce qui se passe et vivant pleinement l'événement.
The Rolling Stones - Honky Tonk Women (1)
Mais peut-être que je deviens un peu vieux jeu avec l'âge. Le monde a changé. On est tous passés en « safe mode » et il y a de moins en moins de zones grises dans nos sociétés. Vingt ans en arrière, je n'aurais moi-même jamais imaginé pouvoir assister à un concert des Stones en restant sagement assis dans une tribune d'honneur, sans boire d'alcool... ni fumer le moindre pétard (Bon OK, j'avoue, j'ai quand même tiré sur une petite boulette, dans les travées arrières de la tribune VIP, 10 minutes avant le début du concert).
(1) Tous les titres de ce post sont extraits de Get Yer Ya-Ya's Out !, de loin le meilleur album live des Rolling Stones, enregistré en 1969 et remasterisé, disponible en dual-disc CD/SACD (Abkco Records, 2002). A noter que de mon point de vue, leur dernier album A Bigger Bang (Virgin, 2005) vaut vraiment le détour, lui aussi.
Excellent résumé et analyse pertinente, merci. Le safe mode fait aussi peur que la déglingue, tu as raison (je parie que Ian Dury aurait été d'accord aussi). Reste que les dinosaures assurent, d'après ce que tu mets en ligne, et à tout prendre, c'est une bonne nouvelle. Les Stones m'agacent depuisfort longtemps, mais il n'y a guère de monument plus considérable.
Rédigé par : Pop9 | 31 août 2006 à 19:41
Beau billet ! Tu me fais encore plus regretter de ne pas les avoir revus (peut-être de dernière ?...)
Et comme on dit "R&R will never die !" ;-)
Rédigé par : Mister Cham | 04 septembre 2006 à 13:55
Ayant vu les Stones au Stade de France, j'ai eu, c'est amusant, le sentiment à peu près inverse. Je me suis rendu compte que près de 80.000 personnes s'étaient posé, au moins une fois dans leur vie, les questions importantes que soulève toute chansons des Stones (En vrac, le danger, la responsabilité, la soumission, les expériences, etc...).
Quand on aime un tant soit peu le rock des Stones, ce sont des questions qui viennent forcément à l'esprit. Ca m'a fait chaud au coeur, 80.000 personnes dans ce cas.
Du point de vue de l'ambiance, au SdF, je n'ai pas eu non plus la même impression. Il est clair qu'un bon nombre de spectateurs sont venus au départ comme au musée. Mais au fur et à mesure du concert, j'ai vu les gens à côté de moi le vivre plus intensément et plus profondément que bien des groupes plus jeunes avec des publics plus jeunes.
Rédigé par : LaurentS | 08 septembre 2006 à 10:13
Carré VIP, very nice! Oui elle est faciel, ah la magie de la carte de presse... et puis avec l'âge mieux être calé dans le carré que coincé entre deux pue-la sueur.
Bin wam debout sur la pointe des pieds, c'était à Paris au Parc des Princes et même des seigneurs en l'occurence, au cours la tournée "Uban Jungle" en 90 cadeau d'anniversaire que m'a offert un pote. Y'a pire en effet.
Côté public c'était encore assez déjanté, ça fumait bien mais déjà on sentait une foule (70.000) plus "grand public" où trois générations étaitent réunies pour écouter les inoxidables cailloux avec Bill Wyman s'il vous plait.
J'étais en transe et c'était pas les effets des psychotropes because je voulais rien perdre pensant que peut-être je n'aurais plus de seconde chance de les revoir. Bon en fait je me suis un peu lacher. Une méga Honky tonk woman gonflable est apparue pendant l'intro du morceau du même nom avec Keith dans cette même attitude que sur la tof plus haut sauf qu'il attaque en tirant sur les six cordes avec cette moue inimitable.
Top son, même jogging de Jagger qui fait largement plus mamie que les autres, Bill wyman planté comme d'hab dans son coin, Ron et Keith en vieux singes gimaçant jouant au ping-pong pour se taper le solo, quant à Charlie on a toujours cette impression qu'il s'est gourré de groupe mais arbore un sourire zen quand on la cadre.
Quant aux phones qui mettent en conserve le moment présent ils sont juste là pour nous rappeler que "l'ici et maintenant" n'a pas la même valeur pour tout le monde. Mais je suis un vieux con, qui l'était déjà jeune car je voulais faire péter le relais de TV de mon patelin parce qu'on ne se parlait chez moi pendant les repas, No satisfaction.
Mes albums préféres:
Biggars banquet 1968
Sticky Finfers 1971
Black and Blue 1976
Rédigé par : Bug | 15 mars 2007 à 10:37