Rien à voir avec l'appel du 18 juin, avec tout le respect que je dois aux résistants qui ont peuplé l'imaginaire de mon enfance, du Colonel Maury qui commandait le maquis de Picaussel et que j'ai bien connu (un gauliste pur jus), au garagiste limouxin qui oeuvrait en face de mon lycée (un des premiers francs tireurs communistes du département, qui faisait lui aussi partie des délégations qu'on recevait à l'école), jusqu'à mon adorable voisin d'aujourd'hui, qui prit le maquis lors d'une permission plutôt que de retourner au STO (service du travail obligatoire en Allemagne) - bien lui en a pris, puisque le train qu'il devait emprunter fut victime d'un sabotage et que les allemands le tinrent pour mort.
Non, l'appel que j'ai entendu à l'orée de l'adolescence, avant même que le monde ait mis un pied dans les eighties, était tout autre. Aucune radio londonienne ne le diffusait plus, car le single fut interdit en Angleterre. Mais il était annonciateur du raz de marais qui allait déferler sur la planète rock toute entière, celui du mouvement punk, dont je vous propose de (re)découvrir le véritable hymne ("there is NO FUTURE in England's dream", postillonne le chanteur Johnny Rotten dès le deuxième couplet) : il s'agit du même God Save The Queen que scandent les hooligans anglais sur tous les stades d'Europe, mais revisité - pour ne pas dire sciemment profané - par les Sex Pistols.
Le titre de cette note fait référence à London Calling, une chanson (et un album) des Clash sortie en 1979, un hymne tout aussi fondateur que le God Save The Queen des Sex Pistols. Mais je lui préfère Should I Stay Or Should I Go, plus en phase avec nos amours non durables de l'époque (le sida ne faisait pas encore planner son ombre sur notre liberté sexuelle), et avec lequel je vous propose d'enchaîner. Après les Beatles et les Stones, Pink Floyd et Genesis, les Who et Led Zeppelin, Bowie et Elton John... les Sex Pistols et les Clash représentent un de ces couples moteurs qui jalonnent l'histoire de la musique pop rock anglaise. Stephen Thomas Erlewine, sur Allmusic.com, dit des Sex Pistols qu'ils furent le premier groupe punk anglais, quand les Clash furent les premiers véritables "punk rockers" britanniques. Ca nous rappelle une chose à tous, c'est que les ricains n'ont jamais inventé que le rock à Billy. Tout le reste, ils le doivent aux noirs ou aux rosbiffs.
The Sex Pistols - God Save The Queen ("Never Mind The Bollocks", Warner Bros. - 1977)
The Clash - Should I Stay Or Should I Go ("Combat Rock", Columbia - 1982)
Bref, replongeons-nous dans les eighties, qui ne furent pas des années si charitables que ça. Autant c'était l'époque de mes vingts ans, dont j'ai joui (le mot est juste) à plein tube, au moins pendant la première moitié et au grand péril de mes études, autant ce furent des années un peu glacées par certains côtés, qui finirent quand même par accoucher du Sida, dont on s'est tous trop peu méfié au début, et des formes les plus avancées de la junkitude urbaine, dans laquelle je n'ai pas sombré, mais que j'ai cotoyé de près. Mes deux mains ne comptent pas assez de doigts pour dire combien, parmi ceux que j'ai connus à l'époque, n'en ont finalement pas réchappé. Tout cela me laisse un arrière goût désagréable de pharmacie au fond de la gorge, que connaissent tous ceux qui ont déjà sniffé.
Musicalement, l'ambiance fut aussi un peu "cold" toutes ces années, avec l'émergence de la New Wave, à laquelle je n'ai pas tellement goûté, sinon peut-être avec les Stranglers, dont je vous propose d'écouter la chanson Golden Brown. A ce moment là, il y avait une sorte de dépression adolescente larvée en trame de fond de la musique pop rock anglaise, incarnée à merveille par Robert Smith, chanteur de The Cure. Les nappes de synthé commençaient à prendre un peu trop de place à mon goût, dans la musique d'Eurythmics ou de Roxy Music, par exemple, et le jeu de guitare de U2 me paraissait un peu simpliste. C'est vrai que les Sex Pistols avaient ouvert la voie à tous ceux qui se montraient capables de plaquer trois accords sur le manche d'une Strato ou d'une Gibson.
The Stranglers - Golden Brown ("Feline", Epic - 1983)
The Cure - Close To Me ("Head On The Door", Elektra - 1985)
Eurythmics - Sweet Dreams ("Sweet Dreams", RCA - 1983)
Roxy Music - Avalon ("Avalon", Virgin - 1982)
U2 - Sunday Bloody Sunday ("War", Island - 1983)
On eut quand même droit à quelques rythmes chaloupés, ceux des B 52's mais aussi et surtout de Police, que j'ai découvert pour la première fois sur scène, dans la première émission rock digne de ce nom programmée à la télévision française : Les Enfants du Rock, d'Antoine Decaunes, sur feu Antenne 2. Pour ma part, je me régalais aussi de quelques pépites comme Girl U Want, de Devo, ou One Things Leads To Another, de The Fixx. Et j'ai adhéré longtemps aux délires de moins en moins crédibles de Johnny Rotten, Sex Pistols défroqué exilé aux Etats-Unis, qui fit de Rise un succès planétaire, avec son nouveau groupe Public Image Ltd. Enfin, le rock british des 80's eut aussi sa part de rébellion, avec des formations comme les Pretenders, emmenés par la désirable Crissie Hynde, ou encore les Lords Of The New Church, dans un registre plus Psycho Punk.
B 52's - Love Shack ("Cosmic Thing", Reprise - 1989)
Police - Roxanne ("Outlandos d'Amour", A&M - 1978)
Devo - Girl U Want ("Freedom Of Choice", Warner Bros. - 1980)
The Fixx - One Things Leads To Another ("React", MCA - 1987)
Public Image Ltd - Rise ("Compact Disc", Virgin - 1986)
Lords Of The New Church - New Church ("The Lords Of The New Church", IRS - 1982)
Je concluerai en glissant que les années 80, ce fut aussi pour moi l'explosion du rock indé en France, avec des formations comme OTH, Road Runners, La Souris Déglinguée, Parabellum, les Garçons Bouchers ou encore Hot Pants (groupe dans lequel officiait Manu Chao), sans oublier les incontournables Berruriers Noirs, qui refusèrent un contrat mirifique avec une major, après que NRJ ait fini par se laisser convaincre de diffuser leur hymne Salut à toi sur son antenne, pour répondre au plébiscite généralisé de ses auditeurs. Mais c'est une autre histoire, sur laquelle je reviendrai... si je retrouve la musique.
PS : En parallèle, et pour finir quand même en beauté, rendons aux ricains ce qui leur appartient, avec une petite adaptation du Walk This Way d'Aerosmith par Run DMC, dont je fais encore mes chous gras, et sur laquelle je me rappelle avoir dansé comme un malade dans une cave... à Londres. C'était en 1986. London Calling ou pas, on se refait pas ;-).
Run DMC - Walk This Way ("Raising Hell", Profile - 1986)
OK pour l'antériorité évidente du Clash sur les Sex Pistols (pur produit marketing) et, en règle générale, il est bien vrai que l'Angleterre écrase les States niveau rock...
Pourtant, en l'occurrence, un hommage aux fabuleux et ricains Stooges (10 ans avant tout de même), encore insurpassés, aurait été bienvenu, non ?
(Et - sans faire mon Maître Capello - Strummer répétait à longueur d'interviews françaises qu'on dit "Le" Clash et non "Les" Clash donc je transmets)
Rédigé par : Crosstown Traffic | 19 octobre 2005 à 20:29
CT, c'est vrai, il y a eu les Stooges avant tout ça, et Iggy Pop, que les punks pourraient reconnaître comme un précurseur, comme la scène grunge a parfois vu un père en Neil Young. Mais je n'ai pas la prétention de faire une historiographie du rock, juste celle parler des musiques que j'ai rencontrées.
Quant à "the clash", c'est vrai que c'est un nom de groupe qui mérite une traduction au singulier, si en plus Joe Strummer le revendiquait... mais c'est plutôt rare dans le rock, où les groupes sont en général pluriels, comme les Who, par exemple. Et puis en français, l'expression s'en trouve gauchie. Peut-être Strummer voulait-il incarner The Clash à lui tout seul ? ;-)
Rédigé par : Philippe Astor | 20 octobre 2005 à 15:19
Non, plus simplement, Strummer voulait que soit préservée la véritable signification du nom du groupe, non pas "les Clash" (comme les Beatles) mais "le Clash" comme on dirait "l'Apocalypse"...
Plus qu'une nuance, en somme tout un programme...
Rédigé par : Crosstown Traffic | 20 octobre 2005 à 17:42