Après avoir écrit entre les deux tours que Sarkozy allait perdre l'élection présidentielle, et poussé le culot jusqu'à publier mon article sur Agoravox, ce qui m'a valu plus de deux-cent cinquante commentaires et de nombreux sarcasmes, on et off-the-record, je pensais devoir me faire discret pendant quelques temps, adopter un profil bas, faire pénitence et m'abstenir de la moindre analyse politique, à défaut de pouvoir prétendre avant longtemps à une quelconque crédibilité.
Mais quel retournement de situation, mes chers amis ! Certes, Sarkozy a bel et bien remporté l'élection présidentielle et fait mentir ma prédiction aventureuse, mais les sarkozystes, eux, sont de toute évidence en train de la perdre, cette élection, bien après la bataille, et après avoir ostentatoirement étalé leur jubilation place de la Concorde, au soir de leur victoire du deuxième tour, dans une remake des émissions de variétés de Maritie et Gilbert Carpentier.
Car depuis qu'il est élu, Nicolas Sarkozy n'a de cesse de faire des oeillades sur sa gauche, au centre et même à la gauche du centre. Cette droite "décomplexée" qu'il disait incarner, et qu'il a caricaturalement droitisée pendant la campagne, elle semble bien déconfite aujourd'hui, à l'heure où son mentor ne trouve rien de mieux à faire que d'appeler des Kouchner ou des Védrines aux commandes pour conduire la politique de la France.
Mais que demande le peuple !? Je vous dis un grand merci, monsieur le président Sarkozy, de me donner ainsi l'occasion de jubiler à mon tour, devant la trombine que tirent ces derniers jours Devedjian et consorts. Eh bien mon vieux, qu'est-ce qu'on rit jaune chez vos fidèles tout d'un coup ! Et certains d'entre eux de rappeler, comme si ce n'était plus une évidence, que l'ouverture que vous menez doit s'étendre, aux delà des frontières, jusqu'aux sarkozystes eux-mêmes.
Quoiqu'il en soit la manoeuvre du nouveau président ne trompe personne. Il s'agit bel et bien de tuer dans l'oeuf ce nouveau mouvement démocratique lancé par Bayrou, dont il applique presque à la lettre la stratégie d'union et de rassemblement au delà des clivages politiques, à la surprise générale.
C'est bien qu'il reconnait, malgré tous les accents droitiers de sa campagne, que la France de demain ne pourra être gouvernée qu'avec une large majorité au centre. Et même d'extrême-centre, s'il vous plait, capable de regrouper des libertaires, des écolos, des libéraux, des démocrates, des radicaux, des inconoclastes de droite et de gauche, et j'en passe.
Ce n'est d'ailleurs pas le seul à reconnaître cette tendance de fond et à essayer de faire barrage à Bayrou, sur lequel on essaie de faire également l'impasse au PS, l'air de rien, comme s'il n'avait jamais existé ni pesé plus de 18 % des voix au premier tour, c'est à dire autant que Chirac en 2002.
Un PS qui passe désormais par pertes et profits ses anciens alliés de la gauche anti-libérale et veut incarner lui aussi cet extrême-centre éclairé dont il n'avait jamais voulu jusque-là reconnaitre l'existence ou la pertinence. Sauf que dans ce rôle, le PS, qui comptera bientôt autant de divisions internes que de membres, n'est pas crédible un seul instant.
En définitive, je me demande sérieusement aujourd'hui si le véritable vainqueur de l'élection présidentielle, au moins sur un plan symbolique, n'est pas François Bayrou, dans l'assiette de qui tout le monde vient manger désormais. Chacun campe soudain sur les positions qui furent les siennes pendant la campagne et de ce point de vue, la refondation politique qu'il appelait de ses voeux semble bel et bien à l'oeuvre.
De là à prédire que le MoDem (dont je suis déjà un pré-adhérent, ne vous déplaise) pourrait créer la surprise aux législatives, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai pas... cette fois-ci.
PS : à lire également, un excellent article de Voltaire, sur Agoravox, à propos du succès du Mouvement démocrate
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